- renaître
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1 ♦ Naître de nouveau; recommencer à vivre. « On a vu des brames [brahmanes] se brûler pour renaître bienheureux » (Voltaire). Le phénix, oiseau mythique, renaît de ses cendres. — Fig. Renaître de ses cendres : se manifester de nouveau, après la destruction, la ruine. ⇒ réapparaître, revivre.♢ Théol. chrét. Revenir à l'état de grâce, sortir du péché (qui est la mort de l'âme). Renaître par le baptême. Renaître en Jésus-Christ.2 ♦ Littér. RENAÎTRE À : retourner, revenir dans (un état). Renaître à la vie : retrouver un état de santé, après une maladie. Renaître à l'espoir, au bonheur. Relig. Mourir au péché pour renaître à la grâce.3 ♦ Revivre, reprendre des forces, au physique ou au moral. « Je renaquis avec un être neuf » (A. Gide). Se sentir renaître. « Laurent se sentait renaître dans l'air frais » (Zola).4 ♦ Naître, pousser, à la place de ce qui est ou semble mort ou disparu. Les têtes de l'hydre de Lerne renaissaient après avoir été coupées.♢ Recommencer à croître. ⇒ 2. repousser. La végétation renaît au printemps.5 ♦ Recommencer à exister, à se développer. ⇒ reparaître, revivre. Sentiment, désir, espoir qui renaît. « Ce terrible appétit de la jeunesse, qui renaît à peine comblé » (Colette). — Faire renaître le passé, le ranimer, le faire revivre.⊗ CONTR. Disparaître, effacer (s'), mourir.Synonymes :Croître, se développer de nouveau, en parlant des végétauxSynonymes :- reverdirReparaître, recommencer à existerSynonymes :- repercerRecouvrer sa vigueur, sa vitalité, ses forcesSynonymes :- revivre● renaître verbe transitif indirect Littéraire. Retrouver un certain état, son aptitude à éprouver tel ou tel sentiment : Renaître à la vie.renaîtrev. intr.d1./d Naître de nouveau; revivre. Le phénix renaît de ses cendres.— Renaître à: retrouver (tel état). Renaître à la vie: recouvrer la santé, la joie de vivre, après avoir été durement éprouvé.|| THEOL Recouvrer l'état de grâce perdu.d2./d Croître de nouveau, repousser. Herbe qui renaît à la saison des pluies.d3./d Reparaître. Le jour renaît.⇒RENAÎTRE, verbe intrans.I. A. — RELIG., MYTH. [Le suj. désigne un être organisé, gén. un être humain] Commencer une nouvelle vie, entrer de nouveau dans le processus biologique propre aux êtres animés. Voilà qu'on m'enterre (...) Lise m'arrache au monument; Puis encor, je ne sais comment, Je me sens renaître auprès d'elle (BÉRANGER, Chans., t. 3, 1829, p. 127). Trelawny recueillit les cendres et les ossements blanchis [de Shelley] dans une urne de chêne (...). Les enfants du village (...) se racontaient les uns aux autres qu'en portant ces débris en Angleterre, les morts renaissent de leurs cendres (MAUROIS, Ariel, 1923, p. 351).♦ [Avec un adj. ou un attribut exprimant un état de nature] Voulez-vous (...) ressusciter avec toutes vos circonstances actuelles, renaître baron ou marquis? (STAËL, Allemagne, t. 4, 1810, p. 185):• 1. La même ignorance d'une loi générale de continuité et de progrès dans l'univers, et dans chacun des êtres qui font partie de cet univers, a permis aussi à l'imagination des hommes de s'égarer dans la pensée que l'homme pouvait, perdant sa nature d'homme, renaître animal ou plante.P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 294.— [P. réf. au mythe du Phénix] Renaître de ses cendres. V. cendre II A.— Au fig., THÉOL. CHRÉT. Revenir à l'état de grâce, sortir du péché. Renaître par le baptême, par la pénitence; renaître à la vie éternelle. Le prêtre ayant glapi: « Bah! mourir, c'est renaître! » Peu payé, priera mollement (ROLLINAT, Névroses, 1883, p. 279). C'est à son insu qu'il [Rousseau] dépouille le christianisme de l'essentiel: mourir pour renaître; mourir à soi-même pour renaître dans le Christ (MAURIAC, Gds hommes, 1949, p. 86).B. — [Le suj. désigne un végétal ou une partie d'un organisme vivant] Croître de nouveau, repousser. Herbe qui renaît à la première pluie; plumes qui repoussent. La poésie la représente [l'hydre] comme un serpent à cent têtes, qui sans cesse renaissent de leurs blessures (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 117). Dans certaines espèces l'arbre se marcotte lui-même, laisse pendre une branche à terre et, de cette branche, il renaît (COCTEAU, Diff. d'être, 1947, p. 169).II. — Au fig.A. — [Le suj. désigne une pers.]1. Connaître une nouvelle vigueur, reprendre des forces (sur le plan physique ou moral). Je me sens renaître à l'air pur. Je suis arrivé (...) j'ai repris mes habitudes; je ne m'ennuie pas encore: d'abord cela me fait renaître de revoir Marie (MALLARMÉ, Corresp., 1864, p. 133). Une première journée d'été et de grande chaleur. On se sent renaître (LOTI, Journal, 1878-81, p. 95). C'est que vous passez un dur moment où la nature entière chuchote le conseil de renaître, d'étreindre, de se parer (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 257).— [Avec un attribut exprimant un état] Chez moi, je m'oubliais dans le sommeil de la fatigue, je renaissais belle, gaie, folle pour le monde (BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 356).2. Renaître à. [Le compl. prép. introd. par à désigne un état, une faculté, un sentiment, une sensation] Retrouver, être rendu à. Renaître à l'espoir, au bonheur, à la conscience, à la santé. Après toutes ses convulsions, parfois plus violentes qu'ailleurs, elle [la France] ne tarde pas à renaître à l'ordre et à l'autorité dont elle a le goût naturel et l'instinct (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 282):• 2. ... maintenant qu'il s'était enfin trouvé le courage de rompre avec elle, il renaissait à des libertés, à des volontés qu'elle avait annihilées, par l'ensorcellement de sa grâce, qu'elle avait amollies par la tendresse de son sourire.CÉARD, Soir. Médan, Saignée, 1880, p. 168.— P. exagér. Renaître (à la vie). Retrouver un état de santé ou reprendre goût à la vie, après avoir été éprouvé physiquement ou moralement. Je me sentois comme un homme qui renaît à l'existence après une longue maladie (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 1, 1801, p. 270). Les médecins répondent de la guérison. Il renaîtra lentement à la vie (A. FRANCE, Vie littér., 1888, p. 353).B. — [Le suj. désigne une chose]1. Réapparaître, se manifester de nouveau, prendre un nouvel essor.— [Le suj. désigne une réalité perceptible par les sens] Le jour, le printemps renaît; le calme renaît; les étoiles renaissent. Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis, Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 60). Il reconnaissait aussi cette joie inquiète: je commence un nouveau livre. Il allait parler de toutes ces choses qui étaient en train de renaître: les aubes, les longues nuits, les voyages (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 17).— [Le suj. désigne une réalité abstr.] Groupement politique, philosophie qui renaît; les arts renaissent. Après un sommeil de plusieurs siècles, l'ordre des Templiers s'est avisé de renaître ces jours derniers, comme le phénix, des cendres de son bûcher (MUSSET ds R. des Deux Mondes, 1833, p. 327):• 3. Une culture renaît quand les hommes de génie, cherchant leur propre vérité, tirent du fond des siècles tout ce qui ressembla jadis à cette vérité, même s'ils ne la connaissent pas.MALRAUX, Conquér., 1928, p. 177.♦ En partic. [Le suj. désigne un état, un sentiment, une manifestation de l'esprit] Amour, espoir, confiance, passion qui renaît; sentir renaître son courage. Sous ce massage fait avec une délicatesse infinie, l'enfant sentit ses forces renaître (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 133). Il est debout et il se met à rire en sentant renaître la combativité de jadis. Il arpente la pièce, les poings aux poches, l'œil vif et direct, la lèvre moqueuse (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 515).2. Faire renaître. [Le suj. et le compl. d'obj. dir. désignent une chose concr. ou abstr.] Susciter à nouveau. Faire renaître le passé; les profits du commerce font renaître les grandes fortunes. La découverte d'un manuscrit du code de Justinien fit renaître l'étude de la jurisprudence (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 110):• 4. ... jouissant d'être l'un près de l'autre, goûtant le prix d'un soutien, d'une présence amicale, d'un simple sourire, — jusqu'à ce qu'une parole ou un geste mal interprétés eussent fait renaître leur hostilité.ARLAND, Ordre, 1929, p. 408.Rem. ,,Les temps composés et le participe passé sont rares et relèvent de la langue littéraire`` (COLIN 1971).Prononc. et Orth.:[
], (il) renaît [-
]. Ac. 1694, 1718: -naistre; dep. 1740: -naître. Étymol. et Hist. 1. a) 1174-76 cont. relig. « connaître un changement spirituel, une nouvelle disposition d'âme » (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 564); b) fin XIIe s. théol. « connaître une nouvelle naissance, une régénération selon l'esprit, réalisée par la foi et le baptême » reneistre d'awe et del saint esperit (Sermons de St Bernard, 103, 38 ds T.-L.); 2. 1176-81 « naître à nouveau » en parlant d'une pers. (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 3057); 1269-78 (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 15960: ele [Nature] perdroit du tout son estre, S'el ne fesoit cetui [phenix] renaistre); 3. ca 1220 « réapparaître, se montrer à nouveau » en parlant des étoiles (GUI DE CAMBRAI, Barlaam et Josaphat, éd. C. Appel, 6522); 1549 part. prés. adj. le renaissant Soleil « le soleil levant » (RONSARD, Premières poésies, Avantentrée du roi à Paris, 130 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 1, p. 23); 4. 1269-78 « croître à nouveau (d'une végétation) » (JEAN DE MEUN, op. cit., 19949); 5. fig. « connaître une nouvelle vie, une nouvelle vigueur » a) fin XIIIe s. en parlant d'un sentiment (Miracles de St Eloi, éd. M. Peigné-Delacourt, XI, p. 33b: E dedens le cuer li nassoit et ranissoit devotions); 1559 (AMYOT, trad. PLUTARQUE, Hommes illustres, Compar. Pélopidas-Marcellus, III, éd. G. Walter, t. 2, p. 705: [Il] fit renaître dans les courages des soudards romains une envie ... de se trouver aux prises encontre l'ennemi); b) 1552 en parlant d'une pers. inf. subst. mon renaistre (RONSARD, Amours, XCVII, t. 4, p. 96); c) 1640 part. prés. adj. Rome renaissante (PERROT D'ABLANCOURT, trad. TACITE, Hist., l. 5, c. 8 ds RICH. 1680); 6. fin XVIIIe s. renaître à la gloire; au plaisir (DELILLE d'apr. BESCH. 1845). Dér. de naître; préf. re-. Fréq. abs. littér.:1 565. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 980, b) 1 905; XXe s.: a) 2 240, b) 1 744.
renaître [ʀ(ə)nɛtʀ] v. intr. [CONJUG. naître.]ÉTYM. XIIe, « ressusciter; revenir à l'état de grâce »; de re-, et naître. REM. Le p. p. rené, ée et les temps composés sont très rarement employés; → néanmoins ci-dessous, cit. 4 et cf. Pascal in Grevisse, Michelet in P. Larousse.❖1 Naître de nouveau; recommencer de vivre. ⇒ Naître. || « On a vu des brames se brûler pour renaître bienheureux » (Voltaire). || Le phénix, oiseau mythique, renaît de ses cendres. ☑ Fig. Renaître de ses cendres : revivre, se ranimer, réapparaître (→ ci-dessous, 5.). ⇒ Cendre (cit. 10).1 Nicodème lui dit : « Comment un homme, quand il est âgé, peut-il renaître ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour renaître ? » Jésus répondit : « En vérité, en vérité je te le dis, nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. »Bible (Crampon), Évangile selon saint Jean, III, 4 et 5.2 Trelawny recueillit les cendres et les ossements blanchis (de Shelley) dans une urne (…) Les enfants du village (…) se racontaient les uns aux autres qu'en portant ces débris en Angleterre, les morts renaissent de leurs cendres.A. Maurois, Ariel…, II, XIX.♦ Par métaphore (premier emploi attesté). Théol. chrét. Revenir à l'état de grâce, sortir du péché, mort de l'âme. || Renaître par le baptême, la pénitence. || Renaître en Jésus-Christ.3 Renaître sans savoir et sans se reconnaître,Ce serait remourir, Seigneur, et non renaître !Lamartine, Jocelyn, V, 15 août 1795.♦ Fig. || Renaître dans son enfant (cit. 26). — En parlant des états d'âme :4 L'être qui était rené en moi quand, avec un tel frémissement de bonheur, j'avais entendu le bruit commun à la fois à la cuiller qui touche l'assiette et au marteau qui frappe sur la roue (…) cet être-là ne se nourrit que de l'essence des choses (…)Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 872.2 ☑ (V. 1790). Littér. Renaître à : retourner, revenir à (un état comparé à la vie même, ou participant de sa nature : bonheur, santé; grâce divine) après avoir connu une situation, une condition comparable à la mort ou faisant risquer la mort (malheur, maladie; péché, déréliction, etc.). ⇒ Naître (fig.). Renaître à la vie (par exagér.) : retrouver un état de santé, après une maladie (⇒ Convalescence, guérir, guérison). — Renaître à l'espoir, au bonheur. ⇒ Retrouver; rendre (être rendu à…). — Relig. || Mourir au péché pour renaître à la grâce.3 (Mil. XVIe). Revivre (fig.), reprendre des forces (au physique ou au moral). || Je renaquis avec un être neuf (2. Neuf, cit. 16). || Se sentir renaître (→ Porche, cit. 4).5 Nous renaissons, ma Julie; tous les vrais sentiments de nos âmes reprennent leur cours. La nature nous a conservé l'être, et l'amour nous rend à la vie.Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, III, XVI.6 Laurent se sentait renaître dans l'air frais; il respirait largement ces souffles de vie jeune qui descendent des cieux d'avril et de mai (…)Zola, Thérèse Raquin, XXIV.4 Naître, vivre, pousser, à la place de ce qui est mort ou disparu. || Les têtes de l'hydre de Lerne renaissaient après avoir été coupées. || Les plumes renaissent après la mue (→ Muer, cit. 4).7 Et les hautes forêts, qu'un vent du ciel agite,Joyeuses de renaître au départ des hivers,Secouaient follement leurs grands panaches verts !Hugo, les Rayons et les Ombres, XXXV, V.♦ Figuré :8 Et voici qu'au contact glacé du doigt de ferUn cœur me renaissait, tout un cœur pur et fier.Verlaine, Sagesse, I, I.5 (XIIIe). En parlant de choses. Recommencer à vivre. ⇒ Reparaître, revivre; et aussi naître (II.). || Tout meurt, renaît et recommence (→ Immuable, cit. 3). || La nature, le printemps renaît (→ Engourdir, cit. 7; grain, cit. 12). — Sentiment, curiosité (cit. 12), désir (cit. 13), espoir qui renaît en nous. || L'amour vit et renaît de lui-même (→ Épancher, cit. 17). — Le feu qui renaît dans le cœur, reprend (→ Falloir, cit. 6). — Faire renaître qqch. ⇒ Ramener, rappeler, rétablir (→ Fraternité, cit. 4). || Faire renaître le passé, le ranimer, le faire revivre (en l'évoquant, en recommençant qqch…). || Les institutions, les sociétés peuvent mourir et renaître (⇒ Retour). || Les arts, la culture renaissent. ⇒ Renaissance.9 L'ennemi des romains, l'héritier et l'appuiD'un empire et d'un nom qui va renaître en lui (…)Racine, Mithridate, III, 5.10 S'il peut renaître, ce monde presque anéanti au nom de l'amour, meurtri par la charité, navré par la Grâce, il renaîtra par la Loi, la Justice et l'équité.Michelet, Hist. de la Révolution franç., Introd., II, V.11 Ma jeunesse renaît sous le baiser des heures(…)Hugo, la Légende des siècles, XII, IV.12 Le cor éclate et meurt, renaît et se prolonge.A. de Vigny, Livre moderne, « Le cor », III.12.1 (…) comme j'avais pu trouver le monde et la vie ennuyeuse parce que je les jugeais d'après des souvenirs sans vérité, alors que j'avais un tel appétit de vivre maintenant que venait de renaître en moi (…) un véritable moment du passé.Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 871-872.13 (…) ce terrible appétit de la jeunesse, qui renaît à peine comblé (…)Colette, Belles saisons, p. 106.14 Mourir pour renaître, telle est la loi des sociétés comme des personnes.Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 45.❖DÉR. Renaissance, renaissant.
Encyclopédie Universelle. 2012.